J'ai de l'encre sur la main.

Ecrit I.
Il faisait froid. Un jour de pluie triste & gris ; elle regarda par la fenêtre en passant une main dans ses cheveux bouclés. La sonnerie du téléphone résonna dans le petit salon du si petit appartement. Paris, la ville des rêves… Elle ne répondit pas, elle ne voulait parler à personne. Elle entendit des pas sur le palier ; sa voisine était une petite grand-mère au regard songeur. Elle avait due être une femme belle et cultivée. Le genre de femme que l’on respecte rien que par son apparence. Elle avait des cheveux blancs attachés en un chignon serré et des petites boucles d’oreilles turquoises, son teint était un peu rosé et elle mettait sur ses lèvres un rouge discret. Mathilda ne lui avait jamais vraiment parlé, lorsqu’elles se voyaient, elles esquissaient un léger sourire qui valait plus que n’importe quelle autre parole insignifiante. Mathilda était quelqu’un de réservée ; elle faisait partie de ses filles en retrait qui avait une grande richesse intérieure. Vous savez le genre de fille qui au lycée comprenait tout, tout de suite mais qui jamais n’était invitée aux soirées. Celle qui s’habillait simplement, qui se trouvait banale et qui avait mal à la vie d’être seule au milieu de tout ces gens. Elle vivait seule dans ce petit appartement et personne n’arrivait à voir qu’être seule lui pesait de jour en jour ; la rendait folle, malade et triste. C’est peut-être ça le pire, d’être seul au milieu des autres ; les autres qui sont si nombreux. A ce qu’il paraît chacun est fait pour quelqu’un dans le monde, mais lorsque l’on n’est personne, on est fait pour qui ? La sonnerie retentie une seconde fois ; les larmes se mirent à couler sur les joues pâles de Mathilda, une puis deux puis trois. Et ce fut un flot de larmes qui se répandirent sur le visage de la jeune fille. Les larmes enfouies pendant tant d’années, ces larmes qui vous font hoqueter & mouillent votre tee-shirt. Celles que l’on arrête pas car elles rattrapent le temps que vous avez passez à les dissimuler. Celles qui vous font mal, qui vous crèvent le cœur en vous chuchotant qu’il fallait bien que ça arrive un jour.
Mathilda s’adossa au grand lit qu’elle ne partageait avec personne. Elle pleura longtemps, son visage enfoui dans ses mains, comme une petite fille. Comment fait-on lorsque le poids de la vie est trop lourd à porter ? On supporte en apprenant à faire comme si tout allait bien. Mathilda leva la tête et son regard se posa une fois de plus sur la fenêtre aux rideaux rouges. Elle se leva lentement et s’approcha de la psyché. Elle vit son reflet et d’un regard dur elle s’observa. Elle portait un jean simple un peu évasé, un pull blanc en V et ses chaussettes étaient roses à pois jaunes. On ne porte pas de chaussettes roses à pois jaunes lorsqu’on a vingt cinq ans…
Elle se rêvait comédienne de théâtre et était devenue adulte. C’est terrible d’espérer si profondément pour au final se rendre compte que nos buts n’étaient qu’illusions.
On toqua à la porte ; la jeune fille s’essuya furtivement les yeux et souffla avant d’ouvrir. Elle se retrouva face à la petite voisine aux boucles d’oreilles turquoises : « Vous auriez du sucre ? ». Un petit sourire se dessina sur le visage de la grand-mère ; Mathilda acquiesça en partant le chercher. Elle lui tendit, la petite dame l’attrapa et son regard plongea dans les yeux mouillés de la demoiselle. « J’ai fait du thé aux fruits rouges, sa fait oublier les soucis … » Alors Mathilda sourit et une petite larme coula. Elle ferma la porte en bois en suivant la petite voisine aux boucles d’oreilles turquoises qui sentait le thé chaud et l’eau de cologne.