« J'ai mes sources. » summer&sacha&opale

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Je marchai dans les rues de Londres, allant là ou mes pieds me portaient. Je venais de sortir d'une boutique de vêtements, et avais dévalisé le rayon de chemises: J'en raffolais. Celles ci me permettaient de me démarquer des autres ladies, de sortir du lot, si vous voulez. Eh oui vous avez deviné, je les porte comme vous, vous porteriez des robes. Mon regard s'arrêta sur le salon de thé. Je fis halte et entrai, souriant au gérant qui me connaissait assez bien, vu mes allées et venues incessantes en compagnie, le plus souvent, de Sacha Sparks. Elle se trouvait justement là, en compagnie de la gérante qui semblait prendre sa commande. Lorsque Sacha me vit, elle me sourit et désigna une place à côté d'elle. Je m'approchai, toute chargée que j'étais, et personne ne leva ne serait-ce que le petit doigt pour venir m'aider. Toutes les tables me regardaient. Quoi ?! Est-ce qu'un deuxième nez venait de pousser sur mon visage ? Je regardai sans le montrer ma tenue. Ah ! oui. Ma chemise. J'avançai en regardant dans les yeux ceux qui me fixaient, moi ou ce qui me faisaient office de robe. Ils baissaient aussitôt là tête, honteux. Je m'avançai jusqu'à la table de Sacha et laissai tomber mes emplettes sur le sol, sans bruit. J'entamai la conversation :
-Comment allez vous, Sacha ?
-Bien. Et vous ?
-Rien de neuf.. Sauf.. Et bien j'ai l'impression que notres bien aimée, notre très chère Opale.. fricote avec les domestiques.*
Sacha s'approcha de moi, et me regarda malicieusement
-Comment ? D'ou le savez vous ?
- J'ai mes sources..

J'avais passé un certain temps à Paris. Assez du moins pour être à la pointe de la mode et ne jamais commettre d'impair. Et porter une chemise d'homme comme s'il s'agissait là d'un robe, laissant apparaitre ses jambes nues aux yeux de tous ? Je ne disais rien à propos de cette tenue pour le moins particulière, de peur de blesser mon amie bien trop susceptible à mon goût. Bientôt, Summer me faisait le plaisir d'engager la conversation. Nous échangeâmes les mondanités d'usage, bien que celles ci soient parfaitement inutiles. Nous n'étions pas de vraie Ladies pour rien.

Et bien j'ai l'impression que notre bien aimée, notre très chère Opale... fricote avec les domestiques, ajouta elle, tout sourires.

Je manquais de recracher le thé fraichement ingurgité. Je n'étais de retour que depuis quelques jours et pourtant... Summer et moi n'avions jamais cessé de nous écrire durant mon séjour français. Et par écrire je sous-entend bien sûr conspirer contre cette ennemie commune que nous avions. Je ne savais pourquoi Summer détestait Opale. Et à vraie dire je n'en avais rien à faire. Le fait était qu'elle la haïssait de tout son être, et qu'elle espérait, tout comme moi, voir un jour son empire chavirer. Un jeune homme vint déposer une petite tasse de porcelaine ornée d'une agréable violette devant Summer, me tirant de ma rêverie.

Il semblerait que cette garce, perfide et insignifiante, ait décidé de faire le plus gros de la tâche que nous nous étions attribuée, mon amie. dis-je en guise de réponse, tandis que Summer remerciait d'un signe de tête le jeune serveur. Nous avions l'intention de faire couler Opale, une chance pour nous, elle ne semble pas savoir nager!

Summer riait à cette plaisanterie. Il nous fallait trouver le moyen de tourner ce secret à notre avantage. Car chacun sait qu'un secret, aussi croustillant soit il, à toujours plus de valeur gardé qu'une fois révélé. Et je n'avais nullement l'intention d'en parler à qui que se soit avant d'avoir échafauder mon plan...

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Sacha avait l'air.. intriguée. Pas seulement parce que j'avais un secret des plus croustillants à lui raconter : elle regardait ma "robe" en biais.
Ah ! pensais-je. Elle aussi.. Je défis l'ourlet que j'avais roulé il y avait une heure de cela, après avoir essayé cette chemise, craqué pour elle et l'avoir achetée. Elle ne fit comme si de rien n'était; Le serveur m'apporta ma tasse et la posa devant moi. Elle était ornée d'une fleur mauve. Mon amie paraissait être impatiente. Je ne la fis pas attendre plus longtemps : Je lui expliquai que j'avais une sorte d'informateur qui espionnait pour moi, oui, oui. Et que celui ci avait vu Opale.. avec mon domestique. Ses yeux brillaient, un mélange d'excitation et de malice. Je repris :

« - Ils se sont tout d'abord cognés puis.. je vous cite les mots de mon apprenti espion : un courant est passé entre eux. Opale avait l'air de vouloir lui sauter au cou, mais elle préféra faire comme si ils ne se connaissaient pas..»

Sacha me demanda, le sourire au lèvres, qui était mon informateur. Je lui répondis que je n'avais en aucun cas lui droit de le dire. Pas même à elle. C'était un accord que j'avais passé avec lui. J'avais promis.

« - Et nous savons toutes les deux aussi bien l'une que l'autre que je tiens toujours mes promesses . » , murmurai-je, un sourire au lèvres.

Elle hocha la tête, amusée. Malheureusement, nous n'avions pas de plan. Nous passâmes un bon moment à chercher, mais rien ne vint. Nous ne pouvions pas nous contenter de ce salon de thé. Il fallait que tout le monde, toute la ville sache. Il fallait la faire tomber. De haut.
J'avais bu ma tasse de thé sans m'en rendre compte. Aussitôt que je l'eus posée vide sur la table, un serveur accourut. Il devait nous regarder depuis pas mal de temps. Où non ? Je ne savais pas. Je ne savais plus. Tout mon esprit résonnait d'un même mot :
« Opale. Opale, Opale, Opale.. »

nul, nul, nul :'( désolée j'arrange si je peux

Alors que la journée commençait à peine, que le soleil venait juste de se lever et que les premiers nuages tentaient de prendre le dessus sur son ennemi, le soleil, je me levai en hâte, tâchant de ne réveiller personne, et enfilai rapidement ses habits que j'avais préparé soigneusement la veille au soir. Je me contemplai dans la glace, esquissant un sourire devant mon ventre plat, saisis son sac et fermai la porte d'un geste sec et ferme. Je commençai ma marche, faisant mille et un détours afin de scruter toutes les nouveautés dans les boutiques. De nombreuses fois, je fus prise d'un léger hoquet, lorsque j'observais le prix de ces belles robes. Certes, j'étais une lady mais en tant que jeune femme raisonnable, je préférais faire des économies, au cas où.
Le ciel s'était désormais dégagé et on ne pouvait voir un seul nuage. Ce bleu azur rappela la fois où je m'était baignée pour la première fois, lorsque j'était enfant. Ce souvenir me troubla et je chassai rapidement ces idées de sa tête. Je n'aimais pas penser à mon enfance : mon père était la source de ce problème. Celui-ci me frappait dès qu'il le pouvait et je ne pouvais rien dire. Ma mère n'en savait rien, non plus. Je jetai un dernier regard au corset que je fixais depuis un petit bout de temps et tournai les talons. La seule chose dont j'avais envie, aujourd'hui, c'était d'un bon thé qui me rafraichirait. Je souris et pressai le pas, impatiente de pouvoir m'asseoir et reposer mes pauvres pieds abîmés par la marche. Je poussai la lourde porte en bois du salon de thé et pénétrai dans ce long bâtiment, qui m'était familier, depuis le temps.
Alors que je m'installai au bar, je remarquai qu'à ma droite, discutaient mes deux ennemies : Sacha Sparks et Summer Will Lowell. Je soupirai et baissai la tête, honteuse de les déranger en pleine conversation. Cependant, je tendis discrètement l'oreille et les surpris en train de parler à propos d'un domestique et d'une lady nommée ... Opale Colline Klouders. Mes joues s'empourprèrent et je descendis de mon tabouret qui semblait plus haut que moi, et m'arrêtai devant les deux ladies, surprises par ma visite. Je fronçai les sourcils tout en les fixant, tandis qu'elles se mordillèrent les lèvres tout en souriant intérieurement.

« - Bonjour, mesdames. Je vous dérange, peut-être ? » m'exclamai-je en adoptant un ton sarcastique.

Je vous dérange peut être ?

Je sursautai, surprise d\'entendre cette voix si familière et désagréable à mes oreilles. Je fis un petit clin d\'œil des plus discrets à mon amie et me tournai vers l\'intruse, mon visage flanqué de mon sourire le plus hypocrite. Opale me foudroyait du regard. Elle tremblait presque, tentant tant bien que mal de contenir sa rage. J\'en concluais qu\'elle avait due entendre quelques brides de notre conversation et n\'essayai donc pas de nier.

Non, bien sûr que non, je déclairai en déisgnant la chaise voisine du menton. Et me tournant vers Summer :Nous étions justement en train de parler de toi...

Malgré nos différents plus ou moins secrets, Opale était l\'une des rares personnes que je me permettait de tutoyer, étant donné notre passé. Je connaissais en effet la jeune femme depuis toujours et nous avions partagées les mêmes institutrices. C\'était sans doute pour cela que cette peste imaginais que nous étions sur un même pied d\'estale. Et ce bien qu\'il soit plus que clair à mes yeux que je la surpasse, par l\'intelligence et la beauté. Par la richesse aussi, à en juger par sa toilette plutôt simple. De mon côté, j\'avais ce matin opté pour une robe de mousseline de soie française ivoire. Et j\'avais l\'air si innocente que je m\'en étonnais moi même. A ce moment là, personne n\'aurait pu imaginer que Summer et moi même étions en pleine élaboration d\'\'un de nos plans diaboliques...

De tes amours, plus exactement. Mais peut être aimerais tu te joindre à nous et nous aider à éclaircir certains points ?

J\'affichai le sourire le plus chaleureux dont j\'étais capable bien que mes yeux pétillent sans doute d\'une malice cruelle et espiègle. Je désignais Summer du doigt.

Tu sais comme nous sommes avides de ragots...

[ tu as changé de sujet au milieu de ton post xD ]

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« - Bonjour, mesdames. Je vous dérange, peut-être ? »

Je sursautai. Je ne connaissais que trop bien cette voix... Je regardai Sacha en biais, elle me fit un clin d'oeil à peine percevable. Je re-cadrai ma vue sur Opale. Ses joues étaient rouges pivoine, de honte, comme un enfant qui aurai été pris la main dans le sac de confiseries, contrairement à nous, qui contenions mal notre sourire.

« Non, bien sûr que non », dit Sacha en se tournant vers moi ;
« Nous étions justement en train de parler de toi... »

Elle désigna une place en face de moi.
Non! hurlai-je en pensée. Je ne veux pas d'elle. Pas à côté de moi.. Je faillis me lever et faire demi tour mais je me contins et affichai un sourire innocent. Elle ne pouvait rein contre moi, à part peut être me traiter de tous les noms d'oiseaux existants..

« - De tes amours, plus exactement, reprit Sacha. Mais peut être aimerais tu te joindre à nous et nous aider à éclaircir certains points ? »

Mon sourire s'élargit et je pris enfin la parole.

« - Non, non, bien sûr que non. vous ne nous dérangez en aucun cas, fis-je. Viens donc t'asseoir.. »

Je lui désignai à mon tour la place en face de moi. Elle hésita, puis tira la chaise.

« - Alors comme ça.. Les dandys ne valent pas les domestiques ? »

Elle défaillit, devant penser que son secret était bien gardé, puis me dévisagea. Elle se laissa tomber sur sa chaise, et nous toisa d'un oeil mauvais. Je faillis eclater de rire tant son regard avec lequel elle pensait nous effrayer était grotesque.

« - Vous ne répondez pas ? Vous avez peur de commetre une maladresse en vous cherchant une excuse ? »

Je du réprimer un éclat de rire quand le visage d'Opale devint aussi rose que l'étaient les macarons à la framboise joliment disposés au centre de la petite table ronde. Ainsi il ne s'agissait pas là que d'une simple rumeur... Toute fois, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il aurait mieux fallut ne pas révéler que nous étions en connaissance de ce secret, aussi embarrassant soit il. Mais Opale nous avait visiblement entendu. Il n'était plus question de faire demi tour. Je jetai à Opale un regard plein d'une douceur factice, craignant qu'elle ne découvre mon double jeu. Nos relations avaient beau être ambiguës, il valait mieux qu'Opale ne sache pas sur quel pied danser encore un petit moment. Je souriais à Opale comme une mère qui regarde sa fille prodigue, avec toute la tendresse que j'étais en mesure d'exprimer.

Voyons Summer ! Chacune de nous sait que l'amour ne se contrôle pas. Et si notre chère amie trouve le bonheur avec un domestique, aussi insignifiant soit il, nous ne pouvons que la féliciter. Je prenais une profonde inspiration avant de lâcher la bombe qui détruirait certainement ce qu'Opale possédait encore de dignité. J'aimerais que tu penses à me donner l'adresse où ce cher jeune homme travaille afin que je puisse le convier lui aussi à la fête. Tu sais, le jour où j'épouserais Charles.

Je souriais intérieurement devant la tête écœurée de ma parfois-meilleure-amie. J'avais prononcer le mot " travaille " avec tout le dédain dont j'étais faite, et j'observai, avec un certain plaisir cruel, le visage d'Opale se décomposer.

Les deux ladies me scrutaient d'un regard froid et elles semblaient éclater de rire, en leur fort intérieur. Je sentais leur regard porter sur mes joues rosies par la honte dont je faisais l'honneur, en ce bel après-midi d'avril. Je devais montrer que je n'étais pas n'importe quelle lady. Que je n'étais pas sensible aux pics qu'elles lançaient en travers de mon chemin. Je leur souris, laissant échapper un léger ricanement de ma gorge nouée. Comme ça, Sacha pensait qu'elle épouserait Charles. Quelle stupidité ! Chacune savait que Charles m'épouserait moi. Moi, pas elle.

« - Vous parlez de Gareth ? Ce domestique-là ? Oui, en effet, nous nous sommes croisées dans la rue et il m'a apporté un peu trop d'affection qu'il n'aurait dû ... Il m'a même tutoyée ! » levai-je les yeux au ciel, jouant mon rôle à la perfection.

Les deux ladies se regardèrent et Sacha posa soigneusement un de ses ongles dont la beauté me surprit sur mon épaule, faisant attention de ne pas en abîmer un. Malheureusement pour elle, la belle lady se cassa malencontreusement l'ongle de l'index et elle laissa échapper un cri de stupeur. Elle fronça les sourcils, honteuse et retira sa main de mon épaule. Summer remarqua la situation critique dans laquelle se trouvait son amie et elle voulut changer de sujet en murmurant quelques mots :

« - Tu sais, Opale, si tu veux l'épouser - même si cela serait très impertinent pour une lady - tu n'as qu'à me faire parvenir un billet. J'organiserai ton mariage à merveille et tu me remercieras, crois-moi. J'ai une certaine expérience »

Sacha poussa un petit rire nerveux et hocha la tête, baissant les yeux. Elle voulait riposter mais ne trouva pas la force. Je passai sa main dans les cheveux, interpellai le jeune homme et lui demanda un thé à la menthe. Celui-ci acquiesça et se précipita au comptoir pour s'exécuter. Le silence régnait entre les trois ladies mais cela ne me dérangeait pas du tout. Au moins, cela évitait à mes deux ennemies de me balancer toutes sortes d'injures ou de lui mettre, malicieusement, la honte, comme elles l'avaient fait il y a quelques minutes auparavant.

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Sacha posa conciencieusement un ongle sur l'épaule de Opale. Celui ci se cassa, et Sacha poussa un petit cri.
J'allai changer de sujet, lorsqu'elle le fit elle même.

-Ce domestique m'a montré trop d'interêt, il m'a même tutoyé ! dit-elle comme une excuse.

-T-t-t. Pas besoin de nier. Tu sais Opale, si tu désires te marier, tu n'as qu'a me prévenir. Je l'organiserai avec soin, et tu m'en seras redevable pendant des années.

Sacha rit nerveusement, probablement encore préoccupée par son ongle cassé, puis un long silence s'installa. Je repris la parole quelques minutes plus tard, ayant bien préparé la pique que je m'apprêtai à lui lancer.

- Oh repris-je. Et pour la bague, par exemple ? Aurais-je l'honneur de la choisir ? Où bien ce sera lui ? Oh, mon dieu, comment fera t'il ?

Opale ne parut pas comprendre. Je décidai d'éclairer sa lanterne. Je levai une mainque je portai à ma bouche :

- Vas tu lui donner l'argent nécéssaire, ou sera t'il obligé de faire des heures supplémentaires ?

Elle serra les dents et ignora ma remarque. Je continuai cependant.

-Je parle encore de ce projet mariage, parce que tu comprends, tu es rouge pivoine, tétanisée, et on voit bien que tu l'aimes de toute ton âme. Et puis même si tu avais une couleur de peau normale, et que tu dansais la salsa debout sur le bar, tun'aurais pas besoin de nier. Savais tu que j'avais un apprenti espion, un informateur qui me dit tout, tout de toi ? C'est comme si j'étais avec toi, ce jour là, au marché.. Il vous a vu, alors cesse de chipoter et raconte moi tout. Oh, ne rougis pas, je t'en prie. Quelle a été votre première rencontre ?

Elle baissa les yeux et s'affaissa sur son siège, consciente que je l'avais eue. Je fis semblant de réflechir.

Dans Westwood District, c'est bien ça ? Comment ? Il t'a sauvé la vie ? C'est tellement romantique ! dis-je en battant des mains.

Opale pâlit, mais ne bougea pas d'un pouce. Elle ne savait pas quoi répondre, et j'eus un sourire sournois. Je voulus rire, mais je me contins; Ce long silence de sa part commençait à m'agacer. Je plantai mes yeux dans les siens, et dis d'un ton qui se voulait préoccupé :

- Mademoiselle, -et probablement bientôt madame, n'est-ce pas ?- Klouders, auriez vous un problème d'audition ?

Summer se moquait ouvertement de moi. Les clients du salon de thé - qui se faisaient relativement nombreux pour un après-midi aussi ensoleillé - nous fixaient d'un regard curieux. Je voulais riposter à ses répliques mais celles-ci me déstabilisaient et me faisaient malheureusement voir la vérité en face. Tout ce qu'elles disaient était vrai. Je n'étais qu'une impertinente qui préférait passer du bon temps avec un domestique, plutôt que bâtir une relation sérieuse avec un dandy. Je regardai Sacha, qui me scrutait aussi mais d'un regard comme maternel, ce qui me surprit aussitôt. Je ne voyais pas ce regard tant cruel que je percevais sans cesse dans les prunelles de mon ennemie. S'était-elle adoucie ? Prenait-elle pitié de moi ?
Le serveur s'approcha de notre table et posa ma tasse de thé devant moi tandis que je lui tendais une liasse de billets. Il m'accorda un sourire gratifiant et je soupirai. Pourquoi y avait-il que les domestiques et autres personnes misérables qui m'admiraient ? Pourquoi aucun dandy ne me regardait avec ce regard que j'appréciais tant. Ce regard, je le retrouvais chez Gareth. Pourquoi, pourquoi ? Summer ne me laissa pas parler mais le fit à ma place, en haussant les épaules maladroitement et en riant légèrement :

« - Peut-être suis-je un peu trop cruelle avec toi ? Mais, je trouve ça très puéril de ne traîner qu'avec des domestiques. Tu devrais t'intéresser aux dandys. Je suis navrée de te le dire maintenant mais Opale, tu commences à te faire vieille ...
- Summer, tu ne me connais pas. Tu ne connais pas ma vie. Es-tu sûre que ton informateur t'a tout dit ? Nous nous sommes regardés, c'est vrai. Mais je ne ressens rien pour lui. Comme les dandys ne ressent absolument rien pour moi. Ils jouent tous avec moi. Je veux une relation sérieuse. Je veux fonder une famille ! » hurlai-je en me levant de la table, éclaboussant les autres clients du salon de thé de ma boisson fétiche.

Les deux ladies me regardèrent en écarquillant les yeux. Je laissai échapper quelques larmes qui coulèrent le long de ma joue et me rassis de nouveau, avant que Sacha ne poursuive, honteuse de la situation dans laquelle nous étions.

Je donnais un coup de pied dans le tibia de Summer sous la table. Il fallait qu'elle se taise. Il fallait qu'elle se taise où ma couverture serait fichue. Je ne voulais pas en dire trop quand à mes intentions avant de n'avoir trouver le moyen de tourner cette histoire à mon avantage, et maintenant, c'était mon navire qui était sur le point de chavirer. Je baissai les yeux, feignant d'être préoccupée par l'ongle que j'avais brisé contre les omoplates d'Opale, afin de prendre le temps de réfléchir à la manœuvre qu'il me faudrait suivre. Pendant ce temps, Opale et Summer continuait délibérément de se mitrailler à coups d'insinuations cyniques et hargneuses. Je décidai donc d'intervenir avant que cela ne dégénère, brisant tous mes espoirs de dépasser Opale dans notre conquête mutuelle de la réussite la plus complète, et changeai de sujet, l'air de rien.

Inutile d'insister Summer, dis-je en roulant des yeux, un sourire maternel flanqué sur mon visage d'ange. Il est clair qu'il ne s'agit là que d'une vulgaire rumeur, et que ton informateur n'est pas quelqu'un de fiable. Je me tournai vers Opale, et posai ma main sur la sienne, comme si nous avions été véritablement complices. Et puis, Lily Rose Lancaster, qui me rendait visite ce matin, apportait justement avec elle un billet de la part de ce cher Henry, me demandant de tes nouvelles. Il semble qu'une certaine personne lui ait tapé dans l'œil! J'adressai à Opale un clin d'œil appuyé et riait comme une enfant, faussement ravie de mon propre mensonge. J'imagine que ces sentiments sont réciproques, n'est ce pas ? J'attendai la réponse d'Opale avec plus d'impatience qu'un enfant la veille de Noël et priai en mon fort intérieur pour que Summer n'insiste pas.

Sacha savait tout de moi, même en étant ma rivale. Elle avait sans aucun doute embauché un informateur qui me surveillait toute la journée, comme l'a fait Summer. Je clignai des yeux, ne sachant que dire. Les deux ladies attendaient impatiemment ma réponse, ne cessant de me fixer. Je dois bien avouer que j'étais le centre d'intérêt de la conversation mais tout de même, un peu de discrétion aurait été la bienvenue ... A présent, tous les clients du salon de thé avaient tourné leur chaises de façon à mieux entendre notre discussion. Summer baissait la tête, se grattant discrètement la jambe droite comme si elle s'était faite mal. Je souris, mesquine.

« - Bien sûr, j'apprécie beaucoup Henry. C'est un dandy admirable, vous ne trouvez pas ? » demandai-je sincèrement.

Sacha hocha la tête, le sourire aux lèvres. Elle semblait franche et pourtant, j'avais du mal à y croire. Était-ce vraiment ma rivale, qui me parlait ainsi ? Avait-elle changé ? Je réfléchis un instant avant de réaliser que Sacha n'était pas celle que je croyais il y a quelques instants. Tout ce qu'elle désirait, c'était que je m'écarte de Charles Cartrwight, l'homme que l'on aimait toutes les deux depuis un bon bout de temps. C'était l'homme qui nous rivalisait. Et Sacha voulait en fait que je m'éloigne de lui ? Non, ce n'était pas possible. Une femme ne pouvait pas être aussi cruelle. J'abandonnai cette idée avant de reprendre, d'un ton assuré :

« Écoutez, les filles, pourquoi ne pas ... être bonnes amies ? Nous avons les mêmes centres d'intérêts, sommes toutes les trois des ladies. C'est tellement bête cette relation que nous entretenons ... Je veux changer cela. »

Summer haussa les épaules, comme si elle n'avait désormais plus de voix. Sacha sourit et posa sa main sur mon épaule en caressant ma joue de sa main droite. Devais-je prendre ce geste pour un OUI ou plutôt pour un NON ? Je n'en savais rien. Elle relâcha sa main et tourna la tête vers Summer, espérant une réponse. Celle-ci fronça les sourcils, tout en haussant les épaules comme elle l'avait fait tout à l'heure.

Mais nous l'avons toujours été, O.

J'avais prononcé ces mots d'un ton qui se voulait convaincu, bien que le résultat final ressemble plus à une question qu'à tout autre chose. Toute fois, Opale semblait vraiment troublé. Peut être était ce à cause de ma main posé sur son épaule, de mon sourire plein de tendresse. Ou peut être ne savait elle tout simplement que penser de notre relation. Comme la plupart des gens, d'ailleurs. Moi qui avait toujours imaginé qu'elle me considérait comme sa meilleure amie, je tombai de haut en apprenant qu'elle soupçonnait mon double jeu depuis bien longtemps déjà. Comme un silence pesant menaçait de pointer le bout de son nez, Summer n'était pas décidé à faire mine de se réconcilier avec Opale, je m'éclaircis la gorge.

Écoute, Opale, je sais que je n'ai pas toujours été très agréable avec toi, mais... J'avais envie de vomir rien qu'à l'idée de dire, même si je ne le pensais pas, à Opale qu'elle avait raison. ...j'ai changé. Je suis allée à Paris, j'ai rencontré des gens - les françaises sont vraiment répugnantes d'ailleurs, soit dit en passant. Mais personne ne m'a comprit aussi bien que toi. Tu es... tu... tu es ma meilleure amie. Je tâchai d'être convaincante, bien que je ne crois pas un instant à ce que je venais de dire. Si j'avais apprécié la compagnie d'Opale au début, ce n'était plus le cas depuis déjà bien longtemps. Depuis que j'étais assez futée pour comprendre qu'une fille dans son genre ne ferait que me freiner dans ma course et me rabaisser au rang de simple lady. Alors que je voulais être LA lady, celle qui comptait. J'avais presque atteint mon but et ce n'était pas le moment de flancher. Je roulai des yeux, me dressai de tout mon mètre soixante quinze et tendiis la main vers Opale pour l'aider à se lever. Miss Lowell, si vous ne pouvez pas comprendre cela, je ne vois pas l'intérêt de vous fréquenter. Sur ce, Opale et moi allons nous retirer. Mettez tout cela sur ma note, merci. J'espérais que Summer comprendrait mon stratagème, et, en même temps que je m'éloignai au bras d'Opale, priait pour qu'elle ne gâche pas tout. Mais j'avais confiance en elle, en ma confidente, mon amie. Je savais au fond qu'elle ne dirait rien qu'y puisse compromettre mes chances d'atteindre le but que je m'étais fixé. Ce n'était plus qu'une question de temps...

O & S

Invité

Écoute, Opale, je sais que je n'ai pas toujours été très agréable avec toi, mais... Tu es... tu... tu es ma meilleure amie.
Je restai abasourdie. Est-ce que je venais de rêver ou avait-elle vraiment dit cette..ces.. ces paroles ?
Miss Lowell, si vous ne pouvez pas comprendre cela, je ne vois pas l'intérêt de vous fréquenter. Sur ce, Opale et moi allons nous retirer. Mettez tout cela sur ma note, merci.
Je n'avais donc pas rêvé. Un millier d'aiguillons invisibles vinrent me transpercer le cœur; Je n'étais pas morte, mais c'était tout comme..
Mes yeux s'emplirent de larmes, que je ravalai aussitôt. Est-ce que c'était si grave ? Oui, oui ça l'était. Mais je ne pleurerai pas en public, comme Opale venait de le faire il y a quelques instants. Je me levai, et distançai Sacha. Je me plaçai devant elle et plantai mes yeux dans les siens.
Je comprends tout à fait. Mais le fait est que je ne suis pas votre domestique, et que vous n'êtes personne pour me donner des ordres, alors occupez vous de votre note avec votre nouvelle... amie. Maintenant, je vais aller régler mon thé car je ne veux jamais plus vous devoir quoi que ce soit, ni vous revoir. Bonne journée.
Sur ces mots, je me dirigeai vers la gérante et lui demandai combien je lui devais. Elle alla chercher ma note. Sacha était dèrrière moi, elle attendait aussi la sienne.
Summer.. souffla-t-elle
Je me retournai pour lui faire face :
Que ce soit bien clair, Sacha. Je ne veux plus vous voir. Je ne répondrai jamais plus à aucunes de vos insultes, à aucunes de vos excuses. Vous ne comptez plus, à mes yeux. Vous n'êtes désormais plus qu'une menteuse, qui m'a berné en abusant de ma confiance. Vu ? dis-je en chuchotant, sans trop savoir pourquoi.
La gérante vint m'apporter ma note, que je réglai aussitôt. Elle me souhaita une bonne journée, je lui répondis d'un signe de tête poli, pour enfin partir. Lorsque je fus dehors, et assez loin, je laissai allez mes yeux. Ma vue se brouillait, je devais marcher comme ces ivrognes qu'on voit quelques fois devant les bars, mais je m'en fichai. Je venais de perdre une amie, une confidente, et, comme par hasard, elle m'avait remplacée par Opale Colline Klouders, ma pire ennemie. C'était désormais.. comment avait-elle dit, déjà ? Sa meilleure amie. J'eus un rire nerveux, puis me dirigeai vers ma demeure, non loin de là.

Summer était partie et j'étais à présent seule avec Sacha. Nous étions l'une en face de l'autre et nulle ne désirait parler. Summer venait de dire ce qu'elle avait sur le cœur et toutes deux, nous savions que ces paroles ne pourraient être retirées. La franchise de Summer nous surprit toutes les deux. Sacha tapotait nerveusement le sol avec ses chaussures à talons et je ne savais que dire pour la détendre. Sans doute regrettait-elle de m'avoir qualifiée de "meilleure amie". Mais ceci était dit, c'était désormais trop tard.

« - Bien. Si nous allions autre part. Je crois que la majorité, pour ne pas dire tous les clients, ont entendu notre conversation et ragoteront dès notre départ. Allons-y, si tu veux bien, ma chère Opale » murmura Sacha, de façon à ce qu'aucun client ne l'entende.

Elle se leva, prit son manteau en fourrure et me scruta, d'un regard interrogatif, attendant que je me lève également. Je fis de même et réglai notre note en remerciant le serveur. Les clients nous suivaient du regard mais cela m'était à présent égal. Sacha plaça sa main sur mon épaule gauche et nous les observâmes toutes les deux. Nous n'étions pas d'humeur et nous voulions chacune faire comprendre à ces clients que ceux-ci étaient curieux. Un peu trop curieux, à vrai dire. Ils détournèrent le regard et se tournèrent vers le côté opposé. Je ris en mon fort intérieur. Sacha replaça une de ses mèches derrière son oreille et nous sortîmes toutes les deux, d'une démarche élégante, comme si nous étions deux meilleures amies qui se voyaient chaque jour et s'entendaient à merveille. Qui aurait cru que quelques minutes plus tôt, elles se détestaient mutuellement ? Opale sourit, fière d'elle. Elle n'aimait pas avoir des ennemies et le fait qu'elle se soit réconciliée avec Sacha, la satisfaisait pleinement.

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